Mutation économique, technologique et sociale des services avancés de santé à la personne âgée …MON RAPPORT DE 2019
Conclusions et recommandations de mon rapport au CESE rédigé en coopération avec mes amis Marian KRZAKLEWSKI et Bernard Antoine.
1.1 La problématique du vieillissement sociodémographique en Europe et les réponses éthiques, politiques, économiques et sociales qu’il convient de mettre en œuvre constituent un défi considérable à relever et présentent des opportunités en matière d’emploi, de formation, de développements économiques et d’innovation dans l’Union.
1.2 Le Comité regrette que les politiques européennes économiques, sociales et de santé n’aient pas anticipé les besoins croissants des seniors. Il souhaite que soit mis en avant le rôle social et économique des aînés ainsi que le bassin d’emploi colossal qu’ils représentent par l’intermédiaire de l’«économie argentée» («silver economy») et des besoins en matière de soins et de services à la personne âgée (SAPA).
1.3 Une représentation conforme des réalités sociodémographiques du vieillissement passe par une bonne mesure statistique du phénomène: il serait judicieux, en termes d’économie de la santé, de mesurer le vieillissement démographique de manière dynamique et affinée, notamment en introduisant des variables telles que le genre, l’espérance de vie en bonne santé, l’épidémiologie environnementale, etc. Il conviendrait dès lors de confier à un panel de démographes, de sociologues et de médecins la construction d’un ensemble d’indicateurs dynamiques du vieillissement démographique.
1.4 La notion de soins et de services à la personne en institution et à domicile devrait être précisée car cette terminologie englobe une diversité d’activités dont la mise en œuvre peut être assurée par des prestataires disposant de statuts très diversifiés.
Compte tenu du large éventail des activités de SAPA, ces services ne sont pas considérés comme un secteur économique cohérent au sein de l’UE. Il conviendrait dès lors d’envisager une définition juridique générale des SAPA dans l’UE.
1.5 Le CESE recommande que le droit au vieillissement dans la dignité soit reconnu comme un droit fondamental de la personne humaine. Il estime dès lors que tout doit être mis en œuvre pour favoriser l’égalité d’accès à des soins et des services de qualité.
1.6 Le CESE recommande que soient articulées les politiques du logement et les politiques du vieillissement autour de formules d’habitat innovantes (telles que les appartements modulaires, l’habitat groupé, l’habitat intergénérationnel et solidaire, etc.) qui devraient faire l’objet d’une attention soutenue et d’un programme d’aide spécifique issu des Fonds structurels européens.
1.7 Il conviendrait de suggérer à chaque État membre de mettre en place des observatoires du vieillissement nationaux et régionaux qui travailleraient sur une base collaborative avec les services économiques et sociaux de première ligne pour:
- faire évoluer les dispositifs juridiques afin de protéger la situation sociale et financière de la personne âgée;
- développer la mobilité interne (logement) et externe (activités, déplacements, loisirs…) des aînés;
- organiser la complémentarité entre les services à domicile, les maisons de retraite et toutes les formes alternatives de logement pour les aînés;
- coordonner les démarches des soignants, des aidants et des SAPA autour d’un parcours de soins des seniors, orchestré par un médecin coordinateur gérontologue et une infirmière.
1.8 L’UE devrait envisager la création d’une plateforme de coordination des activités des observatoires du vieillissement chargée, entre autres, de proposer des formations continues et de diffuser les bonnes pratiques en développant une banque de données publique des meilleurs produits, dispositifs, équipements et architectures sécurisant la vie quotidienne des aînés. Le CESE souhaite que l’UE soutienne plus activement des programmes de R&D portant sur les facteurs humains et sociaux caractéristiques des personnes âgées et sur l’épigénétique en identifiant les principaux mécanismes moléculaires et biologiques du vieillissement. Il recommande la mise en place d’une plateforme technologique communautaire qui permettrait de mieux orienter la R&D vers des innovations protégeant la santé des seniors et assurant la prévention.
1.9 Le CESE appelle à une meilleure utilisation des innovations issues des technologies numériques par l’ensemble des parties prenantes du secteur médico-social: télémédecine, capteurs, carte clinique et dossier médical informatisés, domotique et plus généralement la mise en œuvre des techniques d’intelligence artificielle dans l’espace des seniors.
Il souhaite que l’innovation soit stimulée en mettant fin à la fragmentation des marchés et à des approches corporatistes qui constituent de véritables barrières techniques. Il attire l’attention sur le manque de normes et de certifications européennes en matière de matériel et d’équipements destinés aux seniors.
1.10 Le CESE appelle à une mutualisation dans l’utilisation des nouveaux outils technologiques issus du numérique afin de stimuler un véritable marché couvrant les besoins des seniors et de pérenniser les investissements en Europe.
Il estime que les gains de productivité dégagés par la technologie numérique devraient être utilisés pour améliorer le bien-être des seniors et programmer une revalorisation financière des intervenants sociaux et paramédicaux.
1.11 La formation professionnelle du secteur doit être fortement soutenue. Les problématiques de la nutrition, des chutes domestiques, de la violence vis-à-vis des aînés et des intervenants, de l’utilisation des technologies numériques à domicile, de l’accompagnement en fin de vie, etc. doivent être intégrées dans des programmes spécifiques. Il conviendrait que les Fonds structurels, en particulier le Fonds social européen, assurent le financement de la formation professionnelle des intervenants dans le secteur des soins et services.
1.11.1 Considérant la diversité des approches dans l’UE, le CESE recommande de définir un socle commun incluant l’essentiel des formations existantes dans une démarche semblable à celle qui présida à la définition des directives 2005/36/CE du 7 septembre 2005 et 2013/55/UE relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles.
1.12 Afin de préparer et de renforcer la mobilité des travailleurs et des services aux personnes âgées, il convient de définir un socle européen de formation des infirmiers en gérontologie, des aides-soignants et des auxiliaires de vie non seulement sur le plan technique mais également au niveau social et humain.
1.12.1 Parallèlement, une revalorisation de la considération sociale et financière du personnel en charge des personnes âgées s’impose. La reconnaissance de la notion d’aidant proche est également indispensable à la construction d’une politique du vieillissement cohérente et efficace.
1.13 Le CESE demande l’organisation d’une table ronde financière réunissant les principaux acteurs du secteur médico-social, les régulateurs institutionnels des marchés (que sont l’État et les collectivités locales), les caisses de retraite, les assureurs et les fonds de pension pour garantir aux personnes âgées la pérennité des services et des investissements, solvabiliser les emplois et recommander le juste prix des services. Cette table ronde centrale devrait être précédée d’une série de rencontres préparatoires décentralisées, organisées autour des Conseils économiques et sociaux nationaux ainsi que du CESE.
1.14 Le CESE recommande la mise en place d’une politique de communication européenne visant à développer une plus grande solidarité intergénérationnelle en faveur des aînés, tant sur le plan économique que social.